L’histoire du Togo

L’histoire du Togo

4 mai 2021 0 Par Cité Dogon

En 1884, l’explorateur allemand Gustav Nachtigal signe un «traité de protectorat» le 5 juillet 1884 sur la plage de Baguida, avec le chef du lac Togo, Mlapa III de Togoville, représentant l’autorité religieuse du Togo, qui donna son nom au pays…. C’est donc entendu: avant 1884, le “Togo” n’existait pas. Utiliser ce terme pour désigner notre espace territorial avant cette date relève par conséquent d’un anachronisme, que nous sommes pourtant obligés d’accepter pour la commodité de l’exposé. Mais que l’on ne s’y trompe pas ! En dehors du titre, nous nous sommes efforcés d’y faire appel le moins possible, tout en essayant de rendre compte, au mieux, des réalités géopolitiques in situ au cours de la période précoloniale.

Cette gymnastique intellectuelle illustre fort éloquemment les difficultés des historiens à trouver des racines historiques communes, sinon nationales, aux entités territoriales héritées de la colonisation. Cette situation n’est d’ailleurs pas spécifique aux États coloniaux. En effet il a fallu des siècles pour que les grands États modernes parviennent à cimenter -souvent par la force-l’unité nationale, devenue aujourd’hui un acquis irréversible. Les véhémentes protestations de certains groupes obligés parfois de ruer dans les brancards pour se faire entendre du pouvoir central n’y changent rien, ou si peu… Les exemples des Basques espagnols, des Corses, des Bretons, des Flamands, des Wallons, entre autres, qui revendiquent la reconnaissance de leur identité propre au sein de l’État, ne sont, en fait, que les conséquences inévitables d’un pouvoir absolu et omniprésent, qui tend à créer une nation uniforme.

L’objectif des auteurs du présent ouvrage est de procéder à une relecture de l’histoire des peuples du Togo, à travers l’image que les gens en ont gardée, image qui doit être révisée à la lumière des techniques de critique interne et externe des sources utilisées. 11 ne s’agit donc plus, ainsi que cela a été en général le cas jusqu’à présent, d’écrire une histoire des Européens au Togo ou une histoire du Togo vue par des Européens. Robert Cornevin a eu certes l’immense mérite d’avoir mis à la disposition du public un ouvrage qui fit, fait et fera encore référence pendant longtemps. Mais i~ s’agit pour nous de tourner une page, d’apprendre aux Togolais à se sentir Togolais, malgré les nombreux clivages accentués -ou parfois artificiellement créés- au cours des années.

Au lieu de mener une étude diachronique prenant en compte la grande division géographique du pays, à savoir le clivage entre une région méridionale, dominée par l’aire culturelle ajatado, relativement homogène, et une région septentrionale, aux groupes plus éclatés, avec une histoire multiforme, nous avons privilégié une approche synchronique regroupant les éléments suivant les grandes périodes historiques. Elle nous semble plus conforme aux objectifs qui doivent être assignés à l’histoire, en particulier dans l’enseignement scolaire: faire que les Togolais se sentent d’une même patrie, solidaires de la vie de leur nation. C’est à ce prix que, pensons-nous, seront abolis, au fil du temps, les maux qui rongent nos sociétés et qui ont pour noms régionalisme, tribalisme, ignorance et refus de l’autre, etc., pour peu que les décideurs politiques le veuillent bien.

Autre difficulté: la mise en place du peuplement du Togo ne saurait se concevoir dans le cadre étroit des frontières héritées de la colonisation. Les populations situées de part et d’autre de ces limites artificielles n’en font d’ailleurs que peu de cas dans leurs relations quotidiennes, hormis au cours des périodes de tensions politiques. Les liens historiques qui les unissent ont été en effet assez forts pour défier les avatars de la colonisation. Raison pour laquelle cette étude déborde souvent le cadre du Togo pour celui, plus adéquat, de la région d’Afrique dans laquelle s’inscrit l’histoire du territoire.

On pourrait reprocher à cet ouvrage d’avoir consacré trop de place à certains facteurs extérieurs, comme la traite négrière ou, dans une moindre mesure, le commerce caravanier. Ces développements sont nécessaires pout’ replacer dans leur contexte historique les importants bouleversements qui ont affecté la région du fait de ces activités. L’émergence d’entités politiques et guerrières à Glidji, à Sansanné-Mango et en pays tem, l’apparition de· cités côtières comme Aného, la constitution ici et là de noyaux pré-urbains trouvent leurs fondements dans ces activités, qui façonnèrent définitivement cet univers géopolitique à partir du XVIlèsiècle. Il fallait évoquer sans complaisance ces périodes charnières de l’évolution historique de la région, sans quoi la dynamique des régions aujourd’hui togolaises serait incompréhensible.

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Danseuses Bassar

Professeur N. L. GAYIBOR