Ubuntu: Opposer le solidarisme africain à l’individualisme

Ubuntu: Opposer le solidarisme africain à l’individualisme

31 juillet 2024 0 Par Cité Dogon

Un anthropologue a demandé un jeu aux enfants d’une tribu africaine. Il a mis un… panier de fruits près d’un arbre et a dit aux enfants que le premier arrivé gagnait tous les fruits.

Au signal, tous les enfants se sont élancés en même temps …… en se donnant la main !!

Puis ils se sont assis ensemble pour profiter de leur récompense. Lorsque l’anthropologue leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi alors que l’un d’entre eux aurait pu avoir tous lesfruits, ils ont répondu : « Ubuntu. Comment l’un d’entre nous peut il être heureux si tous les autres sont tristes ?

« UBUNTU dans la culture Xhosa signifie:  Je suis parce que Nous sommes ».

Ubuntu est une philosophie humaniste africaine fondée sur une éthique du solidarisme reposant sur la relation à l’autre. C’est la militante libérienne Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix, qui en a donné une définition à méditer : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous », opposant ainsi le solidarisme à l’individualisme.

L’individualisme comme cause du malheur démocratique ?

 

« Si l’individualisme est tout-puissant, si le citoyen s’efface devant l’individu, si l’homo œconomicus triomphe contre la figure du citoyen, alors oui on a un problème » commence Raphaël Glucksmann… En effet, pour le fondateur de Place Publique si la démocratie « cesse de marcher sur ses deux pieds » en respectant l’homme à l’intérieur du groupe, c’est la crise ! « Et je pense que c’est largement le cas aujourd’hui » ajoute-t-il.

Comme Pierre Leroux en son temps, comme Saint-Simon (le comte), comme Fourier, Glucksmann se fonde d’abord sur la critique de l’individualisme. L’Homo economicus des libéraux est un modèle néfaste, l’homme est un animal social, il veut être libre mais sa liberté suppose une solidarité avec ses semblables. Sur une base dogmatique, la domination des libéraux depuis les années 80 a produit un monde solitaire, désaffilié, égoïste avant tout, pour le plus grand bénéfice des puissants de l’économie. Comme le capitalisme du début du XIXe siècle, celui du début du XXIe atomise la société, crée d’insoutenables inégalités, jette l’individu isolé dans une jungle hostile qui oblige à une guerre de tous contre tous. Rappel précieux : la protestation élémentaire contre l’injustice d’une société de compétiteurs enfermés dans la solitude fonde autant le socialisme d’hier que celui de demain.

La définition de l’individualisme

 

Si l’individualisme est un phénomène récent, c’est que son origine est démocratique. Telle est l’idée principale de ce chapitre. Pour définir l’individualisme, Tocqueville le distingue de l’égoïsme (tout en considérant qu’il
peut devenir égoïsme).

L’égoïsme est une caractéristique anthropologique et morale : il caractérise l’homme ou la nature humaine, et il est un vice. L’individualisme est une caractéristique politique et sociale : il caractérise le citoyen dans ses rapports avec la société, et ne concerne que les sociétés démocratiques. Alors que l’égoïsme est engendré par une nature humaine déchue, l’individualisme est engendré par un certain type de société.

Entrons dans le détail avec Fabien Beaurieux, professeur au lycée Doisneau de Corbeil-Essonnes.

L’égoïsme ressemble assez à l’amour-propre décrit par les moralistes classiques. La Rochefoucauld considère l’amour-propre comme une puissance du mal inscrite dans la nature de l’homme déchu : « Dieu a permis, pour punir l’homme du péché originel, qu’il se fît un dieu de son amour-propre pour en être tourmenté dans toutes les actions de sa vie » (maxime 20 non publiée). Dire que l’homme est par nature égoïste, c’est dire que l’égoïsme ou amour-propre est un
vice universel, conséquence du péché originel. Tocqueville évoque bien l’homme (et non le citoyen), il écrit que « l’égoïsme est un vice aussi ancien que le monde » (§7) : ce vice date de la création du monde et de l’homme, de l’épisode du serpent et de la chute ; bref, Tocqueville rapporte l’égoïsme à une origine mythique, fondatrice d’une anthropologie, à la manière de l’auteur des Maximes.

Si l’homme est par nature égoïste, il est alors condamné à ce vice, comme à un châtiment, et ne peut aisément s’en libérer. Voilà pourquoi Tocqueville analyse l’égoïsme en termes de passion (« un amour passionné »-§3) et d’ « instinct » (§5) : l’instinct désigne cette force d’une nature qui produit des comportements irréfléchis (il est « aveugle ») ; la passion, c’est la passivité fondamentale, la soumission à une force irrépressible.

L’individualisme n’est pas l’égoïsme.

 

Si l’égoïsme est une caractéristique naturelle, l’individualisme est un phénomène social. Il serait insensé de prétendre que l’homme est par nature individualiste ; seul l’homme d’une société démocratique l’est. L’individualisme est donc une catégorie politique, ou sociologique, alors que l’égoïsme est une notion morale indissociable d’une théologie de la chute.

Si l’individualisme n’est pas de nature, alors il n’est pas instinct, mais « sentiment réfléchi »(§4), c’est-à-dire fondé sur un calcul réfléchi d’intérêt (un « jugement » -§5- Tocqueville le dit « erroné » car il expliquera plus loin dans l’œuvre que ce n’est pas en s’isolant que l’homme de la démocratie satisfait au mieux ses intérêts : ce sera la doctrine de l’intérêt bien entendu exposée au chapitre VIII). L’individu juge qu’il satisfera mieux ses intérêts en songeant d’abord à lui plutôt qu’à la société. L’individu, c’est une partie indivisible du tout social ; et l’individualisme consiste à penser que l’individu satisfait mieux ses intérêts en se désintéressant du tout social, car l’intérêt pour le tout passe parfois par le sacrifice de l’intérêt particulier. L’individu devient alors un tout pour lui-même, il se crée « une petite société à son usage », c’est-à-dire dans son intérêt (§4).

 

La Question du Dogon: Est-il possible d’envisager un modèle de “démocratie Ubuntu” basé sur le solidarisme?

Source: Internet