La philosophie africaine
4 mars 2021De la philosophie africaine : origine et définition contemporaine
Introduction
D’entrée de jeu, notons que c’est depuis plus d’un demi-siècle qu’on parle de « philosophie africaine ». L’utilisation de cette expression (philosophie africaine) en 1958 est l’œuvre de Janheinz Jahn qui, pour la première fois, l’employa dans son écrit Muntu. L’homme africain et la culture négro-africaine (J. Jahn, 1961). Cette intuition de Jahn sera relayée plus tard par la sous-commission de philosophie, lors du deuxième congrès des écrivains et artistes noirs, tenu à Rome en 1959.
Depuis lors, au cœur de cette philosophie africaine, on trouve ravivé le fameux débat sur l’identité et l’appellation de cette philosophie. En effet, quand on cherche à cerner les contours et les enjeux de l’appellation « philosophie africaine », on s’aperçoit qu’elle a tantôt été désignée comme une philosophie tribale (wolof, bangala, warega, azande), tantôt comme une philosophie des groupes ethniques bien déterminés ou des Nègres en général. Une étude assez fouillée à ce sujet a été réalisée par Bilolo Mubabinge en 1978 (Bilolo Mubabinge, 1978). En clair, ceux qui ont eu un intérêt sur cette philosophie ne s’accordent pas toujours sur le contenu et le sens à assigner à cette expression. Certains ne reconnaissent pas un certain nombre d’études réalisées comme relevant de la philosophie africaine. Voilà qui justifie que l’adoption tout comme l’usage de l’expression « philosophie africaine » ne va pas sans poser des problèmes qui, pour la plupart, mettent en évidence la conviction profonde de ceux qui s’y penchent.
En dépit de la diversité des points de vue, la philosophie africaine demeure, à bien des égards, le lieu d’agitation intellectuelle de prédilection. Ce travail, comme le suggère son intitulé, se propose de traiter de l’origine de cette philosophie et de sa définition contemporaine. De toute évidence, une littérature abondante existe à ce propos. Nous examinerons ici les principaux contextes qui ont donné à l’origine de la philosophie africaine ses lettres de noblesse. Toutefois, il convient de noter que l’origine de la philosophie africaine tout comme celle de son acception actuelle est loin de faire l’unanimité eu égard aux différents points de vue qu’en donnent ceux qui s’y heurtent. Nombreux sont ceux qui situent l’origine de la philosophie africaine à partir ou autour de la philosophie négro-africaine tandis que d’autres estiment une telle approche limitée et, du reste, réductionniste.
1. Origine de la philosophie africaine
De prime abord, il importe de noter que la question de l’origine de la philosophie africaine, comme d’ailleurs celle de son existence même, est toujours problématique et sujette à débat. Certains historiens font coïncider parfois cette origine avec celle de la philosophie négro-africaine contemporaine. C’est le point de vue notamment de Smet (Cf. A.J. Smet, 1980) et de Kinyongo (Cf. J. Kinyongo, 1989).
Mais d’autres auteurs, par contre — et c’est la position qui est de plus en plus défendue aujourd’hui — la situent à l’Égypte pharaonique déjà. Pour cette deuxième catégorie d’auteurs, situer l’origine de la philosophie africaine avec la philosophie négro-africaine serait vraiment réductionniste. Agir de cette façon, estiment-ils, reviendrait à méconnaître non seulement l’apport de l’Égypte pharaonique à l’éclosion de l’espace philosophique grec, mais aussi celui de l’Afrique arabo-maghrébine de l’époque patristique et médiévale et celui de l’Éthiopie. Et, comme il s’agit de parler ici de la question de l’origine, nous allons nous appesantir essentiellement sur la pensée égyptienne. Nous voulons donc démontrer, à la suite de quelques auteurs, comment la philosophie africaine aurait pour origine l’Égypte pharaonique.
En effet, Cheikh Anta Diop (Cf. C. Anta Diop, 1993 ; 1981) et d’autres afrocentristes (Théophile Obenga, Henri Olela, Volney, Masson-Oursel) établissent que le début de la philosophie africaine — et plus que cela de la philosophie tout court, que l’on peut qualifier de « philosophie universelle » — est à situer dans l’Égypte pharaonique. Cela est d’autant plus vrai que c’est dans cette Égypte antique que, selon Hérodote dans ses écrits du 5è siècle avant Jésus Christ, Thalès de Milet, Pythagore, ont étudié. Nous y reviendrons avec plus de détails dans les lignes qui suivent. Et c’est toujours dans cette même Egypte pharaonique qu’on trouve déjà développés plusieurs thèmes (en l’occurrence : l’être primordial et la création de tout ce qui est, l’homme, la « maat »….) qui témoignent de l’existence de la philosophie et qui permettent de dégager, déjà en ce moment, une cosmogonie, une anthropologie, une théorie de la connaissance et une éthique de l’harmonie égyptiennes. Voyons-le en détail.
1.1. La philosophie égyptienne pharaonique
De l’avis de plusieurs chercheurs, l’Égypte a développé une vraie philosophie. Bilolo Mobabinge (Cf. Bilolo, 1985.) nous présente les principales sources à partir desquelles on dégage cette pensée philosophique. Il s’agit plus précisément de : textes des pyramides, textes des Sarcophages, livre des morts, livre de ce qui est dans Douat, livre des Portes, livre des cavernes et surtout le livre de connaître le mode de l’existence de Rê ou Livre d’Apophis.
On y trouve ici et là une pensée cosmogonique, anthropologique, épistémologique et éthique qu’il convient de décortiquer.
1.2. La cosmogonie égyptienne
La cosmogonie égyptienne est relative à l’origine du monde. En fait, la pensée égyptienne soutient qu’à l’origine, c’est-à-dire avant l’avènement de l’univers, il y a eu une matière incréée, sans limites, sans détermination. Cette matière primordiale qui serait à l’origine de tout, c’est le Noun ou « Eaux primordiales ». La cosmogonie égyptienne considère ce Noun comme divin. Ce Noun ou mieux, cet Être Primordial s’est auto-créé, c’est-à-dire qu’il est venu à l’existence par la prise de conscience de lui-même : par sa propre force (Bâ), par sa propre énergie, par son propre mouvement ; il s’est auto-engendré lui-même de lui-même (Ngoma-Binda, 1994 : 123). En ce sens, Il n’est pas un être parmi d’autres êtres ; il est unique (pas de semblable), antérieur par rapport à tout ce qui est, il est Eternel. Il se crée ses propres qualités, car il est à la fois le Rien et le Multiple : il est Sagesse, Parole, Amour, Puissance, Souffle vivifiant, Ineffable, caché…
Ce Préexistant est non seulement le Rê, le premier Dieu c’est-à-dire le Démiurge qui achève la création par le verbe (Cf. Ngoma-Binda, 1994 : 123), mais il est aussi celui de qui naitront tous les dieux créateurs, aussi tous les autres êtres. La création s’explique ainsi comme une auto-manifestation de l’Un hors de lui-même ou encore comme accomplissement du bonheur de l’homme. L’existence, dans cette perspective, n’est rien d’autre que le devenir. Elle arrivera à sa fin et rentrera dans le chaos, dans l’indéterminé, dans l’eau primitive : le Noun.
Il en résulte en fin de compte que dans la pensée philosophique égyptienne que le Noun est une matière non encore thématisée, une Eau primordiale, antérieure à l’univers actuel. Donc, l’Égypte a eu l’idée d’un univers avant l’univers actuel, un univers autre, incréé, un univers avant le Démiurge lui-même et toute sa création (Cfr T. Obenga, 1986 : 9).
1.3. L’anthropologie philosophique
Dans la philosophie égyptienne, l’homme est composé de trois principes : le Zed ou Khet (corps matériel), le Bâ (l’âme corporelle, double du corps) qui est l’essence même de l’homme qu’il partage avec l’Être primordial et le Ka, attribut de l’Être Primordial (esprit en tant qu’intellect, principe de vie, immortel, esprit vivificateur) qui rejoint la divinité au Ciel après la mort. De là, apparaît la notion de l’immortalité de l’âme. En effet, les égyptiens croyaient en l’immortalité de l’âme (Aron O’Raney, 2017 : 1). Qu’il soit dit en passant que cette affirmation de l’immortalité de l’âme se retrouve aussi chez Platon avec son dualisme. De là, nous pouvons faire un rapprochement entre les deux et affirmer que Platon, s’est inspiré de l’Egypte pharaonique.
Il y a, dans la pensée égyptienne, une forte affirmation de l’identité entre l’homme et Dieu (le Rê). Cela est d’autant plus vrai que lors du jugement devant les dieux, les âmes des défunts répètent souvent : « Je suis Osiris, je suis Thôt, je suis Rê ». Eu égard à cela, certains auteurs, notamment Ngoma-Binda, ont pu affirmer que la pensée égyptienne serait la première à avoir inventé les notions de paradis et d’enfer (Cf. Ngoma-Binda, 1994 : 124).
Le paradis (Aoure ou Aar) est, dans ce contexte, le pays de la vérité de la parole, le royaume d’Osiris et aussi de Rê, le Principe du Bien, toujours en lutte contre le serpent Apap (ou Apolis) qui est le démon, le principe du mal. L’enfer, par ailleurs, est le lieu des impies dévorés par des feux éternels dans des gouffres surveillés par des bourreaux féminins, des déesses à têtes de lionnes » (Cf. Ngoma-Binda, 1994 : 124).
1.4. La théorie de la connaissance
On dégage généralement trois théories de la connaissance développées par la pensée égyptienne : Primo, la connaissance par illumination : Dieu révèle et communique ses desseins au cœur de l’homme. Secundo, la connaissance introspective et comparative : le cœur de l’homme est son dieu personnel d’où il tire la connaissance des êtres et de ce qui est juste, beau, correct. Tertio : la connaissance à partir des données empiriques contrôlables : l’homme ne peut connaître que ce qui est empirique. Dans cette optique, Dieu et le bonheur d’outre-tombe deviennent inconnaissables.
1.5. L’éthique de l’harmonie (la Maat)
La « maat » est une notion difficile à traduire. Elle se rapproche de la « Raison » ou du « Logos ». Elle peut aussi se traduire par « Vérité » ou « Justice ». Mais plus généralement, elle est traduite par « structure du monde ». C’est-à-dire donc qu’il y a un ordre du monde voulu par Dieu (Cf. J-F. Bergeron, 2004 : 71) auquel tous les êtres (même les rois et les dieux) sont soumis. Il s’ensuit que, pour faciliter le bon déroulement des choses, chaque individu doit adopter un comportement équilibré. Il doit poser des actions conformes à l’ordre du monde. Tous les êtres vivent de la « Maat » comme d’une substance sans laquelle le monde cesserait d’être monde et redeviendrait chaos. C’est elle qui crée l’équilibre en tout et pour tout. Ceci revient à dire que tout doit être fondé sur la Vérité-Justice (Maat) et se conformer à elle, tant sur le plan public qu’individuel. De cet « impératif catégorique » découlent alors les vertus cardinales ci-après : la prudence, la maîtrise de soi, la convenance et la sobriété.
La « maat » est donc de l’ordre du « vivre comme il faut », c’est-à-dire conformément à l’ordre du monde. Elle représente ainsi la notion la plus élevée de perfection morale. Pour reprendre les mots de Théophile Obenga, la « maat » est ce qui « devait guider l’action de l’homme dans et sur le monde par le jeu global de la totalité en son Ordre universel » (T. Obenga, 1986 : 158). En tant que tel, la « maat » apparaît comme une sorte d’harmonie préétablie au plan cosmique, comme un Ordre, une Vérité-Justice, une Félicité suprême qui invite l’homme en société à faire et à dire, à penser et à agir, à vivre et à mourir, selon le vrai, le normal, le juste milieu, bref selon la vertu. Pour sa part, Erik Hornung trouve des mots très justes pour expliciter cette notion. Pour lui en effet, le « maat est l’ordre, la juste mesure des choses qui sous-tend le monde ; c’est l’état parfait vers lequel nous devons tendre et qui est en harmonie avec les intentions du dieu créateur. Cet état est toujours perturbé et un effort incessant est nécessaire pour le recréer dans la pureté originale » (E. Hornung, 1986 : 232).
1.6. Égypte pharaonique : origine de la philosophie en général et africaine en particulier
Le mot philosophie est certes grec, mais la philosophie comme exercice de la pensée, qui est déjà le propre de tout homme, est d’origine égyptienne, plus précisément de la grande école d’Alexandrie.
Pour preuves : la plupart de ces grands philosophes grecs du début, nous relaté l’histoire de la philosophie, ont presque tous séjourné en Égypte où ils ont puisé les sources théoriques de leurs systèmes philosophiques comme le soutient Diodore de Sicile dans dans De l’Egypte écrit au Ie Siècle.
Cet écrivain grec affirme en effet que ceux qui sont « honorés parmi les Grecs pour leur intelligence et leur savoir, allèrent en Egypte durant les temps anciens où ils s’imprégnèrent des us et coutumes du pays, tout en recevant des enseignements. Les prêtres d’Egypte ont conservé dans leurs textes sacrés le fait que dans les temps anciens, ils reçurent la visite d’Orphée, Musaios, Mélampos, Dédale, avant le poète Homère, Hycurgue de Sparte, Solon l’Athénien et Platon le philosophe, Pythagore de Samos ainsi que le mathématicien Eudone, aussi bien Démocrite d’Abdère, que Oenopide de Chios » (http://dyabukam.com).
Aussi en témoigne clairement Saumeron : « A parcourir les textes grecs anciens, écrit-il, on ne peut se défendre de l’idée qu’aux yeux de ces vieux auteurs, l’Égypte était comme le berceau de toute science et de toute sagesse. Les plus célèbres parmi les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la mer pour chercher auprès des prêtres, l’initiation à des nouvelles sciences » (C. Anta Diop, 1993 : 99).
Cette citation de Saumeron renferme deux idées essentielles et fortes : premièrement, elle démontre que l’Égypte avait inventé une vraie philosophie (comme nous venons de le voir ci-haut) même si elle n’était pas désignée ainsi. Deuxièmement, elle soutient et démontre une réelle dépendance et même une véritable filiation des premiers philosophes grecs ainsi que de leur postérité par rapport aux écoles et aux maîtres de la sagesse égyptienne de telle sorte que la Grèce n’est pas inventrice de la philosophie, mais héritière ou fille de la philosophie égyptienne. Bien que le mot « philosophie » lui-même inventé par Pythagore soit d’étymologie grecque, il est attesté que cette réalité existait déjà bien avant et se traduisait par le terme « Sebayt »1. Pythagore qui, lui-même, avait séjourné en Égypte n’a eu certainement le mérite que de « gréciser » ce terme.
A la suite de Cheik Anta Diop, essayons à présent de dresser le tableau de ces érudits penseurs grecs — pas seulement philosophes — qui ont fréquenté l’Égypte pharaonique :
1. Thalès de Milet, fondateur de l’école ionienne, a étudié en Égypte sous la direction des prêtres égyptiens, ces seuls maîtres de sa vie. Parlant de lui, Diogène Laërce dit explicitement : « il ne suivit les leçons d’aucun maître, sauf en Égypte où il fréquenta les prêtres du pays » (D. Laerce, 1965 : 53). C’est là, ajoute Cheik Anta Diop, qu’il apprit la géométrie et l’astronomie (C. Anta Diop, 1993 : 100).
2. Solon d’Athènes, le législateur athénien fut élève du vieux prêtre Sonchis à Saïs. Platon relate ce voyage de Solon dans le Timée : « Solon disait que les gens de Saïs l’avaient fort bien reçu, et qu’en interrogeant sur les antiquités, les prêtres les plus savants en ses recherches, il avait constaté que nul, parmi les grecs, et lui le tout premier, ne savait un traître mot de ces questions » (C. Anta Diop, 1993 : 100).
3. Pythagore de Samos, le fondateur de l’école de Samos, a passé près de 22 ans en Égypte pour ses études, à Memphis, à Thèbes et surtout à Héliopolis auprès du prêtre égyptien Oinouphis (Enuphis, Onouphis). Porphyre décrit ce voyage de cette façon : « Ayant été reçu par Amasis (roi d’Égypte, 568-526), il obtint de lui les lettres de recommandation auprès des prêtres d’Héliopolis, qui l’envoyèrent à ceux de Memphis comme étant plus anciens (…). Puis de Memphis, il fut encore renvoyé pour les mêmes raisons aux prêtres de Diospolis (Thèbes) » (C. Anta Diop, 1993 : 100).
4. Oenodipe apprit des prêtres et astronomes plusieurs secrets et en particulier que le soleil a une marche oblique dirigée en sens contraire de celles des autres astres.
5. Démocrite, de sa part, fréquenta, cinq ans durant, les prêtres égyptiens pour apprendre les choses relatives à l’astronomie et la géométrie.
6. Eudoxe et Platon vécurent treize ans à Héliopolis apprenant la géométrie, la théologie, toutes ces sciences qui les rendirent célèbres par la suite. Toute la philosophie de Platon notamment sa théorie des archétypes plonge profondément ses racines dans la cosmogonie égyptienne.
La liste n’étant pas exhaustive, on peut ajouter à ceux qui viennent d’être énumérés : Xénophon de Colophon, Anaxagore de Clazomènes et Phérécyde de Syros.
De ce qui précède, il se dégage que « tous ceux-là mêmes qui ont créé l’école scientifique et philosophique grecque et qui passent pour les inventeurs universels des mathématiques apparaissent (…) comme des disciples formés à l’école des prêtres égyptiens » (C. Anta Diop, 1993 : 105). Par voie de conséquence, la philosophie, comme d’ailleurs beaucoup d’autres sciences, est née d’abord en Égypte ; pas en Grèce comme cela est souvent admis. Comme pour dire que la philosophie n’a pas débuté, comme cela est souvent admis, en Grèce, mais plutôt en Égypte.
Et donc, parler de l’origine de la philosophie en général et africaine en particulier, c’est inévitablement se référer à l’Égypte pharaonique : la philosophie africaine commence en Égypte et c’est avec cette philosophie que commence la philosophie universelle.
2. La définition contemporaine de la philosophie africaine
L’histoire de la philosophie africaine contemporaine a comme point de référence l’œuvre de Placide Tempels intitulée La philosophie bantoue publié en 1945. La référence au Père Tempels provient du fait que celui-ci est considéré comme le « père de la philosophie africaine » parce qu’il a marqué un tournant décisif dans l’élaboration de la philosophie négro-africaine coloniale et post-coloniale. C’est fort de cela que, dans « Epiphanies de la philosophie africaine et afro-américaine » J. Kinyongo divise l’histoire de la philosophie africaine contemporaine en trois grandes périodes : la période pré-tempelsienne, la période tempelsienne et la période post-tempelsienne.
Toutefois, G. Bidima fait observer que « Tempels a été l’occasion et non la cause des discussions qui s’en sont suivies. La cause du philosopher en Afrique est l’interrogation sur la situation du Nègre. Si nous commençons par Tempels, il faut relativiser son importance, car au moment où Tempels écrit son ouvrage en 1945, les discussions sur la négritude initiées par les Nègres eux-mêmes avaient déjà lieu depuis les années 1935 » (J.-G. Bidima, 1995 : 12). On comprend par ce propos que pour Bidima, la philosophie bantoue de Tempels est postérieure au débat sur la philosophie contemporaine.
Voilà pourquoi, si la périodisation opérée par Kinyongo tient compte exclusivement de l’influence réelle que la « Philosophie bantoue » de Tempels a eue sur les recherches actuelles de la philosophie africaine, elle ne semble pas reconnaître cette autre pensée philosophique développée au-delà de l’œuvre du missionnaire franciscain depuis l’Égypte pharaonique. Dès lors, il parait judicieux de cerner l’ensemble de la pensée philosophique africaine contemporaine à partir de deux foyers : le négro-africain sub-saharien et le monde arabo-musulman. Dans les limites des prérogatives de ce travail, nous nous contenterons de la pensée négro-africaine qui s’est développée à partir de l’ouvrage controversé de Placide Tempels sus évoqué. Cette approche se fera dans la perspective du professeur Kinyongo.
2.1 La période pré-tempelsienne
Cette période est caractérisée par le débat sur l’existence ou la non-existence de la philosophie africaine. Elle s’étend du début du XIXe siècle jusqu’en 1945, date de la publication de l’ouvrage de Tempels « Philosophie bantoue ». Bilolo a apporté une contribution significative sur la préoccupation de cette période. Son importance tient au fait qu’il s’est employé à recenser et à commenter des textes reconnaissant ou reniant au Nègre une pensée philosophique. Une telle entreprise nous situe dans le contexte, mais aussi et surtout nous fait saisir l’état d’esprit qui a précédé l’avènement de l’ouvrage de Tempels « Philosophie bantoue ». Les différentes interventions pour ou contre l’existence d’une philosophie africaine s’appuyaient sur les arguments ou témoignages d’ordre religieux, psychologique ou linguistique.
Notons que la question de la philosophie africaine pré-tempelsienne loin de faire l’unanimité a divisé les penseurs qui s’y sont penchés en plusieurs tendances. Ces différentes prises de position relatives peuvent être ramenées à trois : celle de la reconnaissance des philosophies collectives ou populaires, celle de la négation principielle et critique de la prétendue philosophie africaine et celle de la reconnaissance de quelques individualités philosophiques africaines. Disons sommairement un mot sur chacune de ces trois tendances.
2.2 La reconnaissance des philosophies collectives ou populaires
Selon cette tendance, la philosophie africaine est soit une philosophie clanique, tribale et parfois raciale, commune à tous les nègres, soit une philosophie primitive (c’est-à-dire celle qui est par essence un fait commun à toutes les sociétés primitives). Parmi les expressions traduisant cette reconnaissance, nous pouvons noter à titre indicatif : la philosophie wolof par Baron en 1829, la philosophie des Bangala par Vanoverberch en 1907, la philosophie de la religion des primitifs par A. Cureau en 1912, la philosophie congolaise par Tanghe en 1925, Vocable religieux et philosophique des Ibo par Correja en 1925, les idées religieuses et philosophiques des Azande par Mgr Lagger en 1925, la philosophie nègre, philosophie/métaphysique/théologie/ontologie nègre ou clanique par Possoz de 1938 à 1948 et la philosophie bantoue par Placide Tempels en 1945.
Pour Ngoma-Binda, en parlant de la philosophie africaine au sens d’une philosophie populaire, c’est-à-dire d’une « pensée profonde vécue et partagée par les masses (africaines) » (P. Ngoma-binda, 1994 : 183), les partisans de cette terminologie avaient voulu attribuer aux Africains une vision du monde collective, un système de croyances spontané, inconscient auquel tous les Africains traditionnels étaient censés adhérer. Pourtant, derrière un tel usage fonctionne un mythe qui donne à penser que dans les sociétés primitives non occidentales, il ne saurait y avoir des croyances ni des philosophies individuelles promotrices de l’humain, encore moins des philosophies au sens rigoureux du terme, mais seulement des systèmes de croyance collectifs. Logiquement, cela ne s’oppose pas, car les systèmes de croyance collectifs peuvent aussi être rigoureux, promoteurs de l’humain.
C’est ainsi que Paul Hountondji réfute l’existence d’une philosophie africaine comme philosophie populaire : « cette expression qui a été consacrée par les anthropologues est un immense contresens. Il n’y a pas de philosophie qui serait un système de propositions implicites auquel adhéraient spontanément tous les individus passés, présents et à venir d’une société donnée. Cela n’existe pas, cela n’a jamais existé… » (P. Hountondji, 1980 : 88-89). Hountondji s’inscrit également en faux contre les ethnophilosophes qui se contentent de reconnaître simplement l’existence d’une littérature africaine. Pour lui, le plus important c’est de transformer cette reconnaissance c’est-à-dire il faut se servir de ces écrits comme véhicule pour passer, amorcer une vraie discussion libre et engageante entre les philosophes africains eux-mêmes (P. Hountondji, 1973 : 29).
De la sorte, la philosophie africaine contemporaine est appelée à quitter le stade purement spéculatif, théorique, sans ancrage avec la réalité vécue et devenir pratique, incarnée tenant compte des râles et pleurs d’une Afrique étranglée (P. Ngoma-Binda, 1994 : 227). Concrètement, cette philosophie doit, si elle veut être significative, intégrer les dimensions de l’identité africaine à partir desquelles l’émergence, mieux le développement intégral de l’Afrique peut être possible. C’est dans la perspective de ce projet ambitieux et riche d’avenir qu’il faut inscrire le projet politique d’inflexion du discours philosophique africain.
Cette philosophie engagée, pour réussir sa mission, doit se mettre à l’écoute des préoccupations et problèmes du peuple africain et tenter d’y apporter les réponses. Une telle démarche ne peut être possible que si cette philosophie est attentive et observe bien la situation concrète de l’africain et sa condition sociale. Ngoma-Binda en parle en termes d’une philosophie inflexionnelle c’est-à-dire une philosophie qui se refuse d’être ésotérique, idéaliste et encyclopédiste comme le dénonçait l’Abbé Musua lors de son adresse à ses collègues philosophes congolais : « Pour être bref, nous groupons leurs faux-fuyants en trois types : l’ésotérisme, l’idéalisme et l’encyclopédisme. Dans les trois cas, on rencontre la même volonté : le refus de s’engager » (M. Musua Mimbari, 1994 : 59).
2.3. La négation et la critique de la prétendue philosophie
La négation de la philosophie africaine est sous-tendue d’une part par un préjugé négatif sur la raison du noir et, d’autre part, par une critique de la philosophie spontanée. Cette tendance considère la prétendue philosophie africaine (nègre) comme une construction pure de l’ethnologue. Cette tendance est illustrée par les prises de position suivantes : la négation de la philosophie chez les Banyarwanda par Arnoux en 1912 ; la négation d’une élite philosophique en Afrique actuelle par Vignon en 1919 (qui reconnaît toutefois les philosophes de l’Afrique ancienne) ; la négation de la philosophie par P. Salkin en 1920 (qui estime que « Les sociétés bantoues présentent les défauts frappants : elles n’ont ni art, ni science, ni industrie, ni religion élevée, ni philosophie. Elles se contentent de l’hédonisme grossier » (P. Salkin, 1920 : 127).
C’est sous cette tendance qu’il faut inscrire la critique de la philosophie spontanée de Levy Bruhl (1928) et les propos suivants de Hegel au sujet de l’Afrique : « Ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation » (G.W.F. Hegel, 1965 : 247).
Une autre prise de position de cette tendance est celle de Henri A. Junod à travers la reconnaissance de l’incapacité du Noir à s’élever au niveau du Blanc (Cf. H.A. Junod, 1931).
2.4. La période tempelsienne
La « Philosophie bantoue » est un livre de sept chapitres, paru en traduction française à Élisabethville en 1945. La thèse fondamentale soutenue dans cet ouvrage est celle de la notion de l’être comme force2. Cet ouvrage est présenté comme un instrument pédagogique qui permettait aux blancs de bien civiliser les nègres. Son but assigné était donc l’évangélisation et l’administration coloniale.
De toute évidence, cet écrit suscita diverses réactions tant du côté des Occidentaux que des Africains. Ses critiques, notamment Marcien Towa, Franz Crahay, Eboussi Bulaga, lui reprochent son titre. Parmi ceux qui l’avaient accueilli favorablement, on peut citer Louis Lavelle, Mulago, Kagame. Qu’à cela ne tienne, l’ouvrage a le mérite de poser explicitement et clairement le problème de la philosophie bantoue. Par le fait même, il a réveillé les bantous de leur sommeil dogmatique et leur a donné matière sérieuse à réflexion.
2.5. La période post-tempelsienne
Dans la foulée des réactions pour ou contre la philosophie bantoue de Tempels ont émergé quelques courants de pensée. Les lignes qui suivent se chargent de les présenter succinctement.
Le courant critique
Il rassemble un nombre d’écrits rédigés contre l’œuvre de Tempels. Dès l’apparition de l’œuvre de Tempels, un auteur écrivait sur l’essor du Congo ce qui suit : ce titre est téméraire, nos indigènes peuvent-ils avoir une philosophie ? Selon l’essor du Congo, la littérature orale affine ne contient pas de sentence philosophique. Le Père Boelart de son côté relève une erreur fondamentale dans la philosophie bantoue : non seulement Tempels semble affirmer l’existence de 2 philosophies, c’est-à-dire, une philosophie pure et une philosophie magique, il affirme aussi l’existence d’une ontologie bantoue dynamique différente de celle de l’homme occidental qui est statique. Par ailleurs, Devaux, Léon de Susbeghe, Doutreloux qualifient la pensée de Tempels d’ethnophilosophie. Marcien Towa invite justement les Africains à se départir de cette ethnophilosophie que Fabien Eboussi Boulaga condamne dans son ouvrage « La crise du Muntu. Authenticité africaine de la philosophie ». Un autre critique, Paulin Houtondji, définit l’ethnophilosophie comme éthique de la pensée africaine considérée comme système ordonné, organisé, interprété de manière à apparaître comme une philosophie. C’est ce qu’il reproche à Tempels.
Dans son article intitulé le « Décollage conceptuel condition d’une philosophie bantu », Franz Crahay adresse des critiques sévères à l’œuvre de Tempels et remet en cause l’existence d’une philosophie bantoue après lui avoir rendu hommage. Il lui reproche trois choses : le titre de l’ouvrage repose sur une confusion du vécu et du réflexif, la persistance de cette confusion tout au long de l’ouvrage chaque fois qu’il s’agit de la métaphysique, de l’ontologie, de l’éthique et de la théodicée, la philosophie bantoue a une assise et une terminologie floues. D’après Crahay, il n’y a pas de philosophie implicite irrationnelle en tant que philosophie.3
Le courant de reconnaissance de philosophie africaine traditionnelle
Pour les partisans de ce courant, à savoir Kagame, Mulago, il existe une philosophie africaine traditionnelle quoiqu’il faille découvrir et présenter. Ces chercheurs appelés tempelsiens, parce qu’ils sont emportés par le succès de Tempels, se sont mis à élaborer des philosophies collectives à partir des coutumes, des langues, des mœurs ou des discours africains. Le modèle de cette philosophie est la philosophie bantu rwandaise d’Alexis Kagame.
Le courant des philosophies de l’auto-affirmation
57Il s’agit ici des philosophies qui s’efforcent d’affirmer l’existence d’une philosophie propre à l’homme africain, des valeurs et des cultures propres à l’Africain en réaction contre les négations historiques et théoriques de la personnalité africaine. Parmi les philosophes et des mouvements d’auto-affirmation, on peut retenir : le panafricanisme, la négritude4, l’authenticité de Mobutu5, le conscientisme de Kouame Nkrumah6, le socialisme de Julius Nyerere, la philosophie du développement7.
Le courant épistémologique de la philosophie et de sciences humaines en Afrique
Les partisans de ce courant s’efforcent de définir les conditions d’une philosophie et d’une science réellement promotrices de l’Afrique. Parmi eux, il y a Mudimbe, Towa, Elungu, Bwakasa.
Les courants herméneutiques
L’herméneutique se définit comme l’opération intellectuelle qui consiste à interpréter le texte, l’œuvre, l’énigme, le discours, bref, le langage afin d’en déceler le sens.
Le courant de philosophie classique
Ce courant regroupe les philosophes africains qui ont opté pour l’étude la philosophie classique. Ce courant se développe principalement dans les institutions d’enseignement où on impose les travaux sur les auteurs bien connus.
Par-delà ces différents courants, aujourd’hui, il n’est plus question de s’enliser dans l’exhumation du passé et la consécration des mœurs et coutumes traditionnelles simplement par opposition ou par souci de ressemblance à la culture occidentale (Cf. A. Mbandi, 2003 : 21-33). La préoccupation la plus en vue revient à déterminer le type de philosophie susceptible d’assurer le développement de l’Afrique. La philosophie africaine est, de nos jours, appelée à s’affirmer comme une conscience critique du savoir et de l’agir social (Cf. A. Mbandi, 2003 : 21.). Ce nouveau mode de philosopher s’appelle « philosophie fonctionnelle », « philosophie engagée », « philosophie inflexionnelle », laquelle philosophie doit marier la philosophicité et l’africanité.
C’est cette idée d’une philosophie engagée que Ngomba-Binda et Tshiamalenga Ntumba ont en vue en invitant leurs concitoyens à philosopher autrement (Cf. P. Ngoma-Binda et N. Tsiamalenga, 1990). Selon Ngimbi Nseka, « cette tendance vers le concret a trouvé un large écho chez les philosophes phénoménologues » (H. Ngimbi Nseka, 2004 : 117-126).
En témoignent ces quelques écrits : J. Wahl, 1932 ; M. Merleau-Ponty, 1966, J.P. Sartre, 1943 et H. Bergson, 1870.
En conviant les philosophes à philosopher autrement, Ngoma-Binda et Tshiamalenga partent du constat selon lequel « la pratique universitaire de la philosophie en Afrique est loin d’être satisfaisante. On la trouve jacassière : elle redit, à profusion de mots et en mauvais français ce que les occidentaux ont écrit en peu de mots et en bon français ; et pédante dans ses prétentions à la recherche de la vérité et du sublime abstrait, elle paraît incapable de réaliser mieux que la randonnée céleste, métaphysique, dans les profondeurs du vide » (Cf. P. Ngoma-Binda et N. Tsiamalenga, 1990 : 77). Ce dont ces deux tenants de la philosophie inflexionnelle ont en vue c’est de rendre la philosophie africaine plus pratique en mettant en valeur l’expérience de l’Afrique confrontée aux multiples crises internes et aux contraintes de la mondialisation comme point de départ. Cette démarche présente un intérêt concret : « la réflexion philosophique ne doit pas aller chercher trop loin la source de son inspiration » (M. Towa, 1979 : 46). Le souci d’une telle philosophie est de contribuer à la résolution des problèmes de paix, de bonne gouvernance et de cohabitation pacifique.
Tout en partageant ce point de vue, Jacques Nanema constate que bon nombre de philosophes qui s’adonnent à l’enseignement ne parviennent pas à contextualiser leur questionnement (Cf. J. Nanema, [2003] 4, : 66). De la sorte, le fait d’être africain n’implique pas automatiquement la production d’une philosophie africaine. A ce sujet, beaucoup reste encore à faire, car plusieurs philosophes africains contemporains sont formés à l’école occidentale et éprouvent de la peine à sortir des cadres déjà tracés de la pensée occidentale dans laquelle ils ont été pétris. Inévitablement, ils ne peuvent nourrir leurs productions philosophiques d’un ancrage culturel véritablement africain (Wiredu Kwasi, 2003 : 49).
Il est cependant bien apparu à Ngimbi Nseka que la philosophie africaine n’a pas à être réduite, ramenée à sa seule fonction pratique, à la philosophie de l’action (au sens pragmatique de ce terme), à une philosophie engagée, politique, à l’instar de la tradition marxiste. Car il ne faut pas oublier l’avènement même d’une pensée contemplative à la manière de Parménide, de Platon et du néo-platonisme qui a transformé le monde (H. Ngimbi Nseka, 2004 : 117-126).
Tout compte fait, la réflexion philosophique africaine, de plus en plus abondante a à cœur une philosophie engagée, susceptible de militer pour l’avènement d’une philosophie qui maximise sa fonction émancipatrice de l’homme et de la société africaine. C’est pourquoi, Jean Ladrière est d’avis que la philosophie africaine est aujourd’hui une réalité déjà fortement constituée, attestée par des œuvres et des travaux dont la liste s’amplifie quasi chaque jour (Cfr J. Ladriere, 1981 : 57).
Conclusion
Tout bien considéré, ce travail a eu une double préoccupation : réfléchir, d’une part, sur l’origine de la philosophie africaine et dégager, d’autre part, la définition contemporaine de cette même philosophie.
Concernant l’origine, il se dégage que contrairement à ce que certains pensent, la philosophie africaine n’est pas née avec l’œuvre du père Tempels, mais plutôt à l’antiquité, dans l’Égypte pharaonique. Cela est d’autant plus vrai que déjà à cette époque, il existait plusieurs thèmes philosophiques renvoyant, entre autres, à la cosmogonie, l’anthropologie et l’éthique. Qui plus est, ceux que nous qualifions aujourd’hui des grands et des premiers philosophes grecs (Pythagore, Thalès, Platon, etc.) ont presque tous séjourné en Égypte auprès des prêtres pour y apprendre la philosophie (le sebayt) et d’autres disciplines pour lesquelles ils ont une notoriété mondiale.
Quant à la problématique de la définition contemporaine, il en ressort, toutes proportions gardées, que l’histoire de la philosophie africaine contemporaine a comme point de référence l’œuvre de Placide Tempels intitulée « La philosophie bantoue ». « C’est dans cette optique que Kinyongo divise ladite histoire en trois grandes périodes : pré-tempelsienne, tempelsienne et post-tempelsienne. Ces périodes sont caractérisées, respectivement, par le débat sur l’existence de la philosophie africaine, les réactions positives et négatives sur l’ouvrage de Placide Tempels et la mise en place d’un type de philosophie susceptible d’assurer le développement de l’Afrique.
Toutefois, il demeure qu’autant que son existence, l’origine et la définition contemporaine de la philosophie africaine sont loin de faire unanimité chez les auteurs, non seulement européens, mais même africains. D’où l’importance insatiable de poursuivre les recherches pour en savoir plus.
Remerciements
Nous remercions les autorités de Domuni Universitas qui nous ont offert cette tribune, à travers la revue Telos, pour donner notre contribution sur la philosophie africaine. Nous sommes aussi reconnaissant à l’endroit des assistants, Georges Ngamasana et Yves Ilapi qui nous ont aidé avec efficacité dans le traitement et la correction de cette contribution.
Auteur : Cyrille Ikomba Mankelele Mambi
Webographie
Bibliographie
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http://dyabukam.com/, consulté le 26 avril 2019 à 20h30.
Notes
1 Ce mot, « ’ Sophia »’, provient d’une langue africaine, les Mdw Ntr, la langue de l’ancienne Egypte, où le mot « ’Sebayt »’ ou « ’Seba »’ signifiant « ’ le Sage »’ apparait pour la première fois en 2052 av. J.-C. dans la tombe d’Antef I, bien longtemps avant l’existence de la Grèce et du peuple grec. Ce mot évolua en « ’ Sebo »’ en copte et en « ’Sophia »’ dans la langue grecque. De la même façon que le philosophe signifie étymologiquement, « ’l’amoureux de la sagesse »’, « ’Seba »’, signifie le Sage, dans les écrits figurant dans les anciennes tombes des Egyptiens.
2 Cette force est dynamique, c’est-à-dire qu’elle peut diminuer ou augmenter, mais aux yeux du Muntu, n’a de sens que ce qui accroît la force. Ainsi, le Muntu tient beaucoup à la vie. D’où le sens du panvitalisme.
3 De la sorte, 5 conditions doivent être remplies pour affirmer l’existence d’une philosophie bantu : un personnel qualifié de philosophes en nombre suffisant ; disposer d’instrument d’analyse des méthodes ; des leviers ou des réfracteurs étrangers (métissage culturel) ; inventorier les valeurs à sauver ; amorcer un décollage conceptuel ; éviter le culte des différences et le court-circuit.
4 C’est un mouvement d’auto-affirmation qui, loin de la philosophie, se définit comme une manière de vivre des noirs. Et, comme le dit Senghor lui-même, comme une vision du monde et une certaine manière de vivre avec ce monde.
5 Se présente à la fois comme une philosophie politique, une idéologie, une attitude de vie. Comme philosophie politique, elle est une pensée philosophique qui exige des Congolais le recours à leurs propres valeurs, les valeurs positives qui peuvent promouvoir leur développement harmonieux ; comme idéologie, elle a été reçue par tous les Zaïrois (Congolais) et particulièrement par l’élite zaïroise (congolaise). En dehors de la RDC, Fabien Boulaga définit l’authenticité comme un désir pour l’Africain de vivre lui-même ou d’être soi.
6 Se situe dans la ligne d’une philosophie de libération, philosophie émancipatoire ou d’auto-affirmation.
7 Les partisans de cette philosophie estiment qu’il faut dénoncer les idéologies impropres et promouvoir celles qui sont justes. Ils rejettent également l’idée d’un développement importé de l’Europe. Parmi eux, on cite : Nkombe, Oleko, Okolo.